Flourens ! Ce nom pourtant fleure déjà bon et vous le trouverez bien mérité lorsque vous découvrirez soudain après un virage son église à la fois vénérable 
  et pimpante, flanquée d'un parvis planté, de grands arbres. Au fond de ce mail,  les mille couleurs d'un parterre abondamment fleuri se détachent sur le fond
  de verdure du côté opposé,lui même égayé par la  tache claire d'un  élégant cottage.
  Mais si le paysage a de quoi séduire l'artiste,le monument ne va pas manquer d'intriguer l'archéologue.

  Large d'environ 9 mètres et longue de 14, sa nef se prolonge par un choeur de largeur égale et long de 7m50 en son centre.
 Ce choeur est à pans coupés,son plan affectant , la forme d'un demi-octogone. II est accosté au Nord d'une vieille sacristie.
  A droite et à gauche de la nef s'ouvrent deux chapelles qui, elles, ne figuraient pas dans le projet primitif.
 Quant à la façade occidentale, elle porte un pignon triangulaire,ajouré de trois baies en plein cintre encadrant les cloches.
 Ce clocher a eu des malheurs,mais comme certains malades qui communiquent  aux autres leurs mauvais microbes, il s'est finalement  tiré d'affaire alors que
 les murs voisins, par lui contaminés, souffrent encore au point de vue esthétique de quelques séquelles.
 En effet, il s'effondra, il va une vingtaines  d'années, ébranlant dans sa chute les parties attenantes de la bâtisse.
 Un architecte  le  releva (précisons qu'il n'appartenait pas à l'administration  des Monuments historiques,  l'église n'étant pas classée).
 Il eut la bonne inspiration de le rétablir dans sa forme primitive en s'aidant d'un croquis antérieur dû au crayon  fidèle de M. Paul Mésplé. Mais par contre,
 il eut  le tort  de l'affubler  d'un terne crépi. Et puis il consolida nef et choeur ainsi troublés par l'application de deux ceintures horizontales de béton armé
 dont l'une barre toutes les 1ères fenêtres à mi-hauteur. Facheux remède, dont il faudra supprimer la nuisance quand le permettront les crédits.

  Mais comment dater l'édifice ? La chose est à première vue malaisée car il appartient à cette grande famille des églises gothiques de la France méridionale,
 objet de nos travaux personnels et dont les formes se sont perpétuées sans changements aprécibles du treizième au dix-huitième siècles: nef sans collatéraux,
 profil polygonal des nervures,étroitesse des fenêtres, ressaults multiples des contreforts, etc...
 Par bonheur, M. l'abbé Baccrabère, curé de cette commune, est un familier des Archives départementales et il connait admirablement les précieux procés-verbaux
 des visites pastorales qu'effectuaient jadis abbés et évèques dans les établissements de leur ressort. Il y a découvert que le sanctuaire ancien avait été détruit
 par le feu en 1570
et que sa reconstruction fut entreprise peu après ce sinistre donc à la fin du seizième siècle.
 Quelques menus détails de la mouluration confirment ce témoignage. Toutefois,les ressources durent manquer assez longtemps pour la construction des voutes.
 En effet les culs-de-lampe supportant les ogives du choeur et qui ont disparu, étaient en stuc, matériau devenu commun seulement au dix huitème siècle.
 En outre, toujours dans le choeur, l'arête supérieure des briques a été abattue au ciseau. Ce chanfrein horizontal a généralement pour but d'empêcher l'eau
 de séjourner dans les joints. Comment l'expliquer sur une face murale si ce n'est pas par souci de protection contre les ruissellements de la pluie ?
 Cette brique est fort belle de couleur et de forme, -et Mr le curé Baccrabère, qui, en accord avec M. le maire  Durand, dirige avec amour la restauration de son église
 a bien fait de débarrasser la paroi du décor pictural de mauvais goût qui la dérobait à la vue.
 Ayant dégagé une fenêtre du chevet, malencontreusement bouchée, il va la doter d'un vitrail à la gloire de Martin, le saint patron de la paroisse.
 Plusieurs oeuvres d'art sculpturales représentant la Vierge,seront mises en bonne place, dont une "Pieta" de pierre adossée à un crucifix et d'un réalisme extra-ordinaire.
 Ainsi grâce au zèle intelligent de son pasteur, le sanctuaire pittoresque de Flourens retrouvera tout son charme et il attirera de nouveau les citadins qui vont chercher parfois
 beaucoup trop loin des sensations d'art.

  E-H GUITARD ( La Dépèche du Midi le 23 octobre 1958 )