Après le travail, nos aînés dans les campagnes avaient besoin d'avoir des contacts en dehors du cercle familial.
C'est pourquoi, les soirs d'hiver, les veillées autour du cantou tenaient une place considérable dans la vie quotidienne de nos ancêtres. On se réunissait entre métayers voisins au début de la morte saison pour les veillées automnales et hivernales.

A tour de rôle, chaque exploitant accueillait les veilleurs dans leurs foyers. D'octobre à mars, à la tombée de la nuit après l'angélus
et la soupe, dans la grande salle commune, les arrivants prenaient place autour du cantou (coin du feu) sur les chaises en paille.
Les hommes étaient heureux de se retrouver pour parler du travail quotidien. Ils aimaient se demander conseil et discuter des récoltes
et du temps qui conditionnaient bien être ou pauvreté.

Avant Noël (Nadal), il était d'usage de déguster des châtaignes rôties dans la poële à trous. Le verre de vin nouveau,
parfois un peu de « piquette », accompagnait ce fruit d'automne apprécié.
Lorsqu'il gelait, pendant les veillées hivernales, l'hôte de service offrait le vin chaud sucré, parfumé au zeste de citron, au clou de girofle
ou à la cannelle. Les épouses préféraient le lait caramélisé au « ferret » (pincette rouges) ou aromatisé de quelques gouttes de fleur d'orange. Les jeunes buvaient de l'orgeat.
Sous la lumière fumeuse des « caleils » (lampes à huile de chanvre) les métayères prenaient leur fuseau à filer.
Elles aimaient évoquer les évènements locaux : baptêmes, noces, sépultures, le changement de métairies à Toussaint (la mudado).
Elles parlaient des fêtes religieuses : Noël, la bénédiction des récoltes ou Rogations, la St Roch où le prêtre consacrait les attelages, la paire de labour (la junto). On pouvait aussi évoquer la fête locale ou patronale, la dernière foire du chef-lieu.

Tandis que l'aïeule, un peu sourde, somnolait près du feu, les bras croisés, le « pépi » (aïeul) se mettait à raconter un épisode de quand il était soldat. Il commençait par la traditonnelle formule : « ero un cop un homé... » (il était une fois un homme...) et terminait ainsi : « tric trac moun counté es acabat » (mon conte est terminé).
Lorsque la vieille pendule à caisse avait égrené les 12 coups de minuit, il était temps de clore la séance.
La maîtresse du logis se levait pour retirer et éteindre la dernière bûche du foyer. On rangeait les chaises et bancs autour de la table de ferme.
Les hommes mettaient leur bonnet de laine tandis qu'épouses et filles s'emmitouflaient dans leur châle épais.
Un dernier « adieu » ou « bonne nuit » (adessiat ou bouno neït) était change. Chaque famille regagnait rapidement sa métairie à la lueur d'une lanterne sourde.

D'après Odette Bedos (Couleur Lauragais)